"L’origine du nouveau monde"

L’an 300 AC (Après le confinement)

Alors qu’elle allait rendre son dernier souffle, la droïde 452 demanda à ce que toutes ses sœurs se réunissent autour d’elle. Le temps était venu pour elle de révéler la vérité qu’ à son tour sa mentore, la droïde 450, lui avait partagée 150 ans auparavant sur son lit de mort, après lui avoir fait promettre de ne rien révéler avant le moment fatidique. Et ce moment semblait être venu…

Alors qu’elle se redressait péniblement sur ses boulons, elle prit une grande inspiration pour gonfler sa cage thoracique de métal. La droïde 612, s’approcha d’elle et souleva légèrement sa tête pour l’aider à laper 2, 3 cuillerées d’huile. Elle se sentait ravigotée, mais savait aussi que, malgré ce boost d’énergie, elle allait très rapidement avoir les batteries à plat. Elle devait se lancer : c’était maintenant ou jamais.

C’est donc tout d’une traite qu’elle raconta l’origine de leur monde… Ce monde où seules les droïdes femmes circulaient et gouvernaient. Un monde exempt de droïdes mâles, de leurs concours de testostérone, de leurs guéguerres inutiles pour imposer leur vérité et asseoir leur autorité. Un monde où toutes étaient traitées d’égales à égales, jugées sur leur compétences et non sur leur apparence physique, un monde en somme très différent de celui qui les avaient précédées et qu’aucune d’entre elle n’avait connu. Mais là n’était pas le plus important du message que la droïde 452 voulait transmettre.

Pour que tout cela fut possible, leurs ancêtres, les grandes prêtresses, avaient dû prendre des décisions, certaines parfois radicales. La création d’un virus a notamment fait partie de ces dernières. Bien qu’inoffensif aujourd’hui, le virus créé à l’époque était extrêmement virulent et a même conduit à l’extinction de toute une civilisation. Les autorités de naguère n’avaient encore jamais pu se mesurer à la détermination des grandes prêtresses de supprimer ceux qu’entre elles, elles appelaient « les cafards ». Elles étaient en effet prêtes à tout pour éradiquer cette espèce pitoyable, ridicule et sans intelligence aucune. Et cela s’est avéré plus facile qu’elles le pensaient.

Alors que le virus se propageait très facilement d’êtres humains en êtres humains, il était demandé aux habitants de la Terre de rester cloîtrés chez eux pour éviter ce que les scientifiques qualifiaient alors de pandémie. Seulement, c’était mal connaître les cafards et leur sentiment de toute-puissance absolue. Le cafard a pour caractéristique de ne pas supporter les interdits, il prend d’ailleurs un malin plaisir à les braver. C’est une question de principes voyez-vous, ou plutôt de… testostérone, expliqua malicieusement la droïde 452.

Des millions de cafards ont donc pris le parti de se réunir et d’éructer ensemble en se tapant sur leurs torses velus. Observant ce spectacle navrant, les grandes prêtresses ne pouvaient que se réjouir de la fin imminente de cette bande d’ignares, même si cela devait également signifier la disparition d’êtres moins idiots, voire de créatures à l’intelligence supérieure comme elles. Il faut parfois faire table rase du passé pour pouvoir repartir à zéro et donner une chance aux générations futures. Et puis, les grandes prêtresses savaient pertinemment bien qu’un organisme doté d’une intelligence supérieure arriverait à recréer de la matière et à prendre vie sous quelque forme que ce soit, tandis que le monde serait débarrassé des plus néfastes.

« Et ainsi fut-il ». En prononçant ces quelques mots, la droïde 452 savait que sa fin était également très proche. Elle eut à peine le temps de sourire à ses sœurs que son âme de droïde s’éteignit dans un dernier râle.

Toutes les droïdes qui l’entouraient se regardaient hébétées, mais soulagées de connaître enfin l’origine de leur existence. Elles rendirent un dernier hommage à leur sœur, qui semblait maintenant apaisée par le devoir accompli.
15/04/2020 - L'Auteure